Multiplier les salles de shoot sera vain sans la mise en place d'une politique de soins cohérente
Par Ronan Planchon Publié le 01/10/2021 à 12:37
«Seuls 1 % des personnes qui fréquentent régulièrement la salle de consommation de la Gare du Nord demandent ensuite à être reçus dans un centre de soins.» HOMAS COEX / AFP
LE FIGARO/ENTRETIEN - L'ouverture de nouvelles salles de shoot ne permettra pas de diminuer la consommation de drogue si on ne soigne pas les toxicomanes, explique François Diot. Pour ce thérapeute, la question de l'hospitalisation d'office des personnes dépendantes mérite d'être posée.
François Diot est thérapeute, spécialiste des conduites addictives. Il a notamment dirigé un Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), un centre d'aide pour les toxicomanes.
LE FIGARO. - Dans la lutte contre le fléau du crack en France, Olivier Véran a
annoncé la création de deux «salles de consommation à moindre risque» par
an en France. Ce dispositif est-il efficace ? En dehors des «salles de shoot»,
quels sont les autres lieux de prise en charge des toxicomanes
François DIOT. - Il s'agit surtout de multiplier les espaces de consommation et d'utiliser des dispositifs de réduction des risques qui existent déjà. Il y a, en France, une prise en charge des personnes qui ne sont pas encore dans une démarche de soin, avec des Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (les CAARUD) - à ne pas confondre avec les «salles de shoot». Ce dispositif permet d'intervenir avant que les consommateurs de drogue choisissent de se soigner et de réduire les risques liés à l'usage de drogue, la contamination par le virus de l'hépatite ou le VIH par exemple.
En parallèle, les personnes qui souhaitent se soigner peuvent être prises en charge dans des centres de soins spécialisés. En France, les patients ont accès à des traitements de substitution, avec un accompagnement psycho-social et un hébergement. Problème: ce dispositif a été mis en place pour lutter contre le Sida et l'addiction à l'héroïne qui faisait des ravages dans les années 1970-1980, principal. Aujourd'hui, la donne, en termes de consommation, a évolué. La question de la cocaïne et plus particulièrement du crack (la drogue du pauvre), est devenue prédominante et nous sommes dans une impasse. On propose à ces personnes des lieux d'accueil, ce qui permet certes de réduire les risques de contamination, mais on ne sait pas les soigner ensuite.
J'ai d'abord pensé que contenir ces personnes dans un lieu où elle peuvent consommer de la drogue sans prendre de risque serait une solution viable, même temporaire, mais force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur, car on ne propose aucune offre de soins en parallèle
Dans les pays anglo-saxons, les personnes souffrant d'addiction au crack vont dans des centres de traitement, ils se désintoxiquent, et en sortant de leur centre, ils participent à des réunions d'entraide, en groupe qui leur permettent de maintenir leur abstinence. L'approche n'est pas médicalisée. Les thérapeutes sont souvent d'anciens toxicomanes, à l'image des alcooliques anonymes ou des narcotiques anonymes. Ce modèle est validé par des publications scientifiques anglo-saxonnes mais il reste peu utilisé en France.
Un mur a été dressé afin de boucher un tunnel squatté par les toxicomanes et séparant Pantin de Paris. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?
Un mur se contourne, cela ne règlera rien. Les usagers sont malins. Il ne faut pas faire de grands discours politiques. Il faut proposer une offre de soin à la hauteur pour ces personnes qui ont besoin de se soigner. Et il ne faut pas ouvrir de structures dans un lieu public, à proximité d'une école one crèche comme c'est le cas dans le XXe arrondissement.
Vous étiez favorable à l'installation de salles de shoot dans un premier temps puis vous avez changé d'avis. Pourquoi ?
Toute personne qui, de près ou de loin est confrontée, à des usagers de drogue n'a qu'une envie : que ces personnes aillent mieux. J'ai d'abord pensé que contenir ces personnes dans un lieu où elle peuvent consommer de la drogue sans prendre de risques serait une solution viable, même temporaire, mais force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur, car on ne propose aucune offre de soins en parallèle.
Certains pays en Europe, comme le Portugal, ont une offre de soins cohérente. Ce pays a été confronté à la même problématique que la France, avec une population principalement consommatrice d'opiacés et d'héroïne dans les années 1980. Ils ont ensuite mené une politique offensive et ont regardé ailleurs ce qui fonctionnait. Ils ont ouvert onze centres de soin sur le modèle du Minnesota, pris en charge par la sécurité sociale. Ils ont dépénalisé certaines drogues, en plus de développer une politique de réduction des risques. Résultat: le nombre d'overdoses et le nombre de consommateurs sont en baisse. En France, on ne se se concentre que sur la réduction des risques.
Les pouvoirs publics, comme la mairie de Paris, ne semblent pourtant s'intéresser qu'à l'ouverture de nouvelles salles de shoot. Comment l'expliquer ? Est-ce une opération de communication ?
Les autorités s'informent auprès des experts. Malheureusement, le discours dominant en France se limite à une approche médico-sociale de réduction des risques qui prend le pas sur le soin et l'accompagnement.
J'ai personnellement dirigé un CAARUD, et permettre aux toxicomanes de disposer d'un espace de consommation me laisse perplexe. Je préfèrerais un espace dans lequel ces personnes peuvent se rendre pendant quelques heures avec un sas, sans possibilité de consommer de la drogue. Les usagers de drogue méritent un projet de soin à la hauteur de leur problème. Qu'on s'interroge sur ce qui existe et qui fonctionne comme les centres de traitement et le modèle Minnesota.
Certains, comme la maire du VIIe arrondissement de Paris Rachida Dati, réclament l'hospitalisation d'office des toxicomanes. Qu'en pensez-vous ? Est- ce juridiquement possible ?
La question de l'hospitalisation d'office est complexe. Pour l'heure, la psychiatre est le seul secteur où cela est permis. Pour ce faire, il faut une autorisation préfectorale, une autorisation familiale, c'est un processus complexe qui se déroule seulement quand le libre arbitre de la personne est atteint.
Le soin ne se réduit pas à la réduction des risques. Le soin
se traduit par une offre étoffée et alternative
François Diot
Cette question mérite d'être posée, mais je n'ai pas de réponse définitive à apporter. Il ne faut pas être «pour» ou «contre» mais proposer des solutions alternatives. Une chose est sûre, si on attend que personnes consommant de la drogue fassent une demande de soin, on attendra longtemps. Regardons les statistiques : seuls 1 % des personnes qui fréquentent régulièrement la salle de consommation de la Gare du Nord demandent ensuite à être reçus dans un centre de soins. Le soin ne se réduit pas à la réduction des risques. Le soin se traduit par une offre étoffée et alternative.
Comment expliquer que la mairie de Paris refuse les hospitalisations d'office ?
C'est, je suppose, de l'idéologie. Mais je trouve désolant de transformer cette question en une querelle politique entre partis. Il y aurait, d'un côté, une gauche bien pensante qui serait pro-toxicomanes, et de l'autre une droite réactionnaire qui serait pour l'enfermement des toxicomanes. Ce raisonnement est limité, je connais des gens de droite favorables à la réduction des risques mais qui souhaitent une offre de soin digne de ce nom. Je le répète: développer des espaces de consommation qui réduisent les risques n'est pas une solution de fond, pérenne à long terme.
Comment s'articule l'offre de soin que vous préconisez ?
Je pense qu'il faut être ambitieux et suivre ce qu'a fait le Portugal. Les Portugais ont travaillé sur plusieurs axes et ont créé, des centres de toutes pièces selon le modèle thérapeutique Minnesota. En France, nous n'avons pas de solution à proposer aux usagers de crack. Il y a aussi un problème de formation des soignants.
Historiquement, on a médicalisé la lutte contre la toxicomanie. Les premiers médecins, les psychiatres avaient parfois des techniques de désintoxication parfois un peu dures. Ils étaient démunis. L'apparition du Sida a changé les choses. La réduction des risques a été institutionnalisée, cette démarche a été portée par des associations de malades qui voulaient des solutions. Il faut faire fi des clivages politiques, et proposer des solutions pragmatiques, avec un changement de modèle thérapeutique et une pluralité des formes de traitement. Certaines structures font un travail formidable et on devrait s'en inspirer. L'association EDVO fait un travail formidable et la Communauté thérapeutique d'Aubervilliers aussi. Il s'agit de groupes thérapeutiques où des toxicomanes vivent ensemble pendant un an. Malheureusement, ces initiatives sont marginales.
Le plan crack , qui a coûté neuf millions n'a pas eu l'effet escompté. Avec cet argent, on aurait pu développer 18 communautés thérapeutiques comme l'EDVO et permettre à quarante personnes par an et par communauté thérapeutique d'être pris en charge.
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FUMER REDUIT-IL LE STRESS ?
6/12/2022 14:53 Le Figaro | CMS | Modifier l'article
Fumer réduit-il vraiment le stress ?
LA VÉRIFICATION - La crise sanitaire est l'une des causes de l'augmentation de la consommation quotidienne de tabac chez les Français, airme Santé publique France dans son dernier rapport. Mais la cigarette soulage-t-elle vraiment ces angoisses ?
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Le tabac engendre une dépendance à la nicotine qui stresse le corps humain, fatigué
de se battre pour tenter d'éliminer plus de 4800 produits chimiques contenus dans la
cigarette.
vchalup / stock.adobe.com
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16/12/2022 14:53 Le Figaro | CMS | Modifier l'article
«Je fume parce que je stresse». Cet argument aurait pu sortir de la bouche d'un fumeur. Encore plus dans une période angoissante marquée par l'inflation, la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine. Cette relation de cause à eet est l'une des conclusions du dernier rapport de Santé publique France (SPF), publié mardi 13 décembre.
L'étude airme que le nombre de fumeurs a augmenté entre 2019 et 2021. La consommation de cigarettes a particulièrement grimpé chez les femmes (passant de 20,7% à 23%) et parmi les moins diplômés (de 29% à 32%). Le rapport lie cette hausse à la crise sanitaire, économique et sociale que traversent les Français. La cigarette est devenue un «outil de gestion du stress» généré par «une augmentation de la charge mentale» et «une dégradation des conditions de travail», notamment chez les femmes. Mais fumer permet-il réellement de réduire le stress ?
«Sensation de bien-être»
Pour William Lowenstein, médecin addictologue et président de SOS Addiction, la réponse est oui. Le tabac est «une drogue comme les autres» qui «modifie l'humeur, le sommeil, l'appétit... et donc le stress, explique-t-il. Telle est la fonction positive d'une drogue». La nicotine, substance contenue dans la cigarette, est à l'image des eets des «antidépresseurs» : «apaisants». Lorsque le fumeur inhale une bouée de tabac, la nicotine «va aller s'accrocher à un neurorécepteur», situé sur l'axe du plaisir dans le cerveau. La stimulation de l'hormone du plaisir va procurer «une sensation de bien- être», détaille Loïc Josseran, président de l'Alliance contre le tabac (ACT) et médecin à l'AP-HP.
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L'hypnothérapeute François Diot partage lui aussi l'idée que fumer peut diminuer le stress. Il compare l'action d'inhaler et d'expirer la fumée d'une cigarette à celle de la technique de la cohérence cardiaque. En clair, elle consiste à inspirer et expirer profondément. L'objectif ? «Faire baisser le taux de cortisol et le rythme cardiaque» pour créer une sensation de «calme et de sérénité» chez le patient. Un schéma reproduit par le fumeur qui cherche à évacuer son stress. À la diérence près qu'il «avale des produits toxiques».
Un plaisir «à crédit»
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16/12/2022 14:53 Le Figaro | CMS | Modifier l'article
Cependant, cette plénitude qu'apporte la cigarette est «une croyance que les gens se construisent», poursuit l'hypnothérapeute. Selon lui, le fumeur associe les situations de stress à la cigarette et se crée un besoin du «produit magique» pour faire face. «Comme s'il mettait un voile entre ses émotions et la réalité», illustre-t-il. La tabacologue Alice Denoize qualifie quant à elle cette sensation d'apaisement de «superficielle». Fumer procure du plaisir, «mais un plaisir à crédit». Et la dépendance au tabac en est le prix à payer.
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Cette dépendance à la nicotine se constitue dans le cerveau au moment où les neurorécepteurs absorbent la molécule. Dès qu'une personne inhale de la nicotine, elle met une seconde pour grimper au cerveau où elle va se greer aux neurorécepteurs, être absorbée et procurer du plaisir au fumeur. Chaque individu possède «quelques neurorécepteurs à la base», rappelle Loïc Josseran. Mais «plus ils absorbent de la nicotine, plus ils vont se multiplier». Le cerveau va donc chercher «à les saturer, ce qui va créer le manque». Ce sont ces pics de nicotine dont le «cerveau raole», décrypte le médecin, qui les compare à des «shots d'alcool».
Stress du manque de nicotine
Par conséquent, la cigarette ne calme pas le «vrai stress» - lié à la vie quotidienne, mais le stress lié au manque de nicotine, assure Alice Denoize. Le fumeur «crée sa propre dépendance» à la cigarette, «qu'il va soulager en fumant». Cela engendre irrémédiablement un «rapport vicieux» à la cigarette, déplore la tabacologue. Cette dernière observe que le tabac devient un facteur de stress sur l'organisme lorsqu'il est en manque de nicotine. Inhaler «plus de 4800 produits chimiques» met le corps «à rude épreuve». Le monoxyde de carbone présent dans la cigarette va «asphyxier le corps», le cœur va battre «plus vite pour créer du sang neuf»... En tentant de «se nettoyer» des toxines, le corps va progressivement se fatiguer.
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Par ailleurs, cette dépendance à la nicotine peut provoquer de plus lourdes conséquences physiques. Allant d'une simple augmentation de «la tension artérielle» jusqu'à «l'infarctus, voire la crise cardiaque», énumère William Lowenstein. C'est pourquoi l'addictologue alerte sur la nécessité de prévenir des risques du tabac. En pratique, le professionnel de santé appelle à investir dans des solutions alternatives comme la cigarette électronique. Elle représente selon lui la «meilleure sortie» de la
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16/12/2022 14:53 Le Figaro | CMS | Modifier l'article
dépendance au tabagisme, car elle permet de «diminuer le stress généré par le manque de nicotine, mais sans se tuer».
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