Addictions pour une offre de soin plurielle et équilibrée


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Addictions pour une offre de soin plurielles et équilibrée

par François Diot

Le débat sur la création de Haltes Soin Addictions (HSA) pour développer l'accompagnement dans l'usage de drogue de façon supervisée est aujourd'hui la proposition de nombreux soignants ou intervenants du secteur de l'addictologie en France.

L'Académie nationale de médecine n'est pas favorable à ce projet et déclare: « Les addictions aux substances psychoactives créent un état de maladie qu'il convient de traiter et non d'entretenir: priorité doit donc être donnée aux actions visant à aider le sujet dépendant à retrouver la liberté que la drogue lui a ôtée ».

Le soutien de la « Fédération Addiction », principale instance professionnelle, à ce projet de HSA, témoigne clairement que la question du dialogue avec l'Académie nationale de médecine de la sortie de l'usage n'est pas sa priorité. La question de l'usage du crack définit les limites de l'approche médico-sociale proposée par les professionnels, qui est malheureusement sans effet sur cette addiction, insensible aux traitements médicamenteux.

La réduction des risques a démontré son utilité chez les usagers de drogues pour prévenir les conséquences de l'usage en particulier sur le VIH qui désormais se soigne et le VHC que l'on sait guérir.

Comment continuer à être force de proposition alors que les objectifs d'il y a trente ans sont atteints ? (question cruciale pour un secteur dont c'est l'identité pour ne pas dire l'idéologie).

Le glissement vers l'accompagnement de l'usage pour prévenir les overdoses est aujourd'hui la nouvelle étape qui interroge sur ses objectifs et son efficacité pour entrer dans les dispositifs d'accès au soin.

Les orientations sur le soin sont très limitées, voire inexistantes après cinq années d'expérimentation de la salle de consommation à moindre risque située à proximité de l'hôpital Lariboisière (dans le quartier de la Gare du Nord), montre la difficulté de ces professionnels à accompagner vers la sortie de l'usage. A moins que cela ne soit plus l'objectif, tant l'accès au soin est progressivement remplacé par l'accompagnement dans l'usage ?

Les « militants », comme ils s'appellent, de la réduction des risques ne sont pas très présents auprès des usagers de crack de rue à qui, hormis la délivrance du matériel quand ils le font, n'ont pas grand chose à proposer. La problématique de l'obligation de soin que personne ne questionne chez les malades psychiatriques est impossible aujourd'hui à évoquer pour les usagers de crack qui ont souvent malheureusement des troubles psychiatriques et font des décompensations en pleine rue...

« Impossible car stigmatisant » vous diront ces « professionnels » qui fantasment «une alliance thérapeutique» avec les usagers de crack qui, «comprenez vous, doivent avoir le désir de se soigner et expriment une demande de soin».

De fait, c'est la même logique d'intervention que celle basée sur la demande qui au début de la réduction des risques a paralysé les professionnels du secteur pour intervenir auprès des usagers sur la question du SIDA où la demande d'arrêt de l'usage n'était pas la question. La réduction des risques n'avait,

il est vrai, pas encore été institutionnalisée par les médecins du secteur, toujours en retard, comme c'est malheureusement le cas encore aujourd'hui sur la question du soin.

Alors qu'ils étaient et sont toujours absents de la scène ouverte de la porte d'Aubervilliers, L'association d'Auto Support ASUD (association de santé communautaire prônant la décriminalisation de l'usage de drogues ) et des professionnels du secteur, sous le regard bienveillant d'élus de la Mairie de Paris, s'interrogent sur la stigmatisation des usagers de drogue et sur la « toxico-phobie ».

Outre l'indécence, eu égard au contexte dramatique, c'est surtout le décalage avec la réalité qui frappe, tant l'incompréhension de celui-ci et les besoins des usagers de rue est flagrante mais ne les empêche nullement de parler à leur place. En écoutant un neuropsychiatre américain invité pour l'occasion qui a décidé de faire son «coming out» sur son usage «récréatif» d'héroïne, qu'il ne considère pas comme addictive, sous l'écoute fascinée d'une importante association du secteur, pourtant très soucieuse d'une approche scientifique de la compréhension de l'usage.

Ce qui est formidable avec l'introduction de la notion de victime dans cette question de l'usage de drogue, c'est qu'elle permet aux professionnels et aux activistes de la réduction des risques de se positionner comme des défenseurs de ces usagers. Ces usagers sont fantasmés car en fait seule une poignée de militants d'une association de santé communautaire se sont arrogés leur représentation etparticipent à ce débat révolutionnaire ...

Ce décalage entre les militants qui débattent sur une posture victimaire et une réalité de terrain où aucun usager ne se retrouvent dans cette association d'usagers questionne sur la légitimité de celle-ci qui, de ce fait, ne représente que ses membres, qui sont moins d'une centaine de personnes au niveau national. En revanche, son existence permet habilement à l'Etat qui la finance et aux professionnels qui la soutiennent d'avoir un interlocuteur pour justifier et adhérer aux orientations de l'approche sanitaire proposée ; orientation qui fait la part belle à la réduction des risque et qui évacue avec les traitements de substitutions et l'approche médico-sociale, la sortie de l'usage du débat.

Ou en est on aujourd'hui de la sortie de l'usage ?

La réduction des risques et son idéologie empêchent- t-elle de penser le soin et la sortie de l'usage de drogue ?

Comment expliquer qu'au lieu de redéployer les moyens sur le soin et la sortie de l'usage, le secteur souhaite contenir les usagers de rue dans des espaces de consommations supervisés qui impactent les quartier ou ils sont implantés ?

Les riverains qui financent ces dispositifs avec leurs impôts, n'ont-ils, eux, des droits ?

Quand l'idéologie prend le pas sur le soin, comme nous le constatons avec effarement, les réponses restent les mêmes et le secteur s'enferme dans une posture qui l'oblige à aller toujours plus loin du soin, (comme nous l'avons compris), et toujours plus près de l'usage (pour justifier de son financement et de son existence).

La réduction des risques isole ses militants dans une idée qui les empêche de penser globalement avec une ouverture d'esprit sur différentes approches thérapeutiques. Loin de vouloir nous opposer à celles ci, il est nécessaire d'étudier celles qui fonctionnent aussi en termes d'abstinence. Il n'est pas nécessaire de croire que celle-ci est impossible, les groupes d'entraide et le modèle Minnesota témoignent du contraire.

Prévenir les conséquences de l'usage de drogue est nécessaire mais pas suffisant. Il est possible de vivre sans consommer.

Le déséquilibre entre les structures prônant cette approche, qui ne sont que trois en France, et les structures ayant une approche médico-sociale où la réduction des risques est prédominante est avant tout dommageable pour les toxicomanes qui n'ont pas la possibilité de bénéficier d'une approche plurielle.

Le paradoxe de cette situation est qu'en accompagnant l'usage on enferme l'usager dans son addiction ; avec cette impossibilité de s'affranchir de la consommation et de retrouver sa liberté. Ce contresens flagrant des militants de la réduction des risques et de ses défenseurs démontre l'immobilité d'un secteur qui devrait proposer de sortir de l'usage pour permettre à l'usager de sortir de son addiction.

Si c'était le cas ce secteur devrait voir son activité se réduire au fil des années ce qui témoignerait de son efficacité ...

La question suivante est que peut être que les médecins qui dirigent les associations financées ont peur de voir leurs dotations financières se réduire, tel des chefs d'entreprises dont l'activité progressivement se réduirait ?

Ce secteur a t il intérêt à sortir les usagers de drogue du dispositif de prise en charge ?

En étant les interlocuteurs de l'Etat dans la politique de soin qu'ils préconisent, bien loin des modèles thérapeutiques existant dans les pays anglo-saxons, nous assistons à un système qui ne peut reconnaitre ses errances car les enjeux économiques et sanitaire sont importants. Il s'agit, en effet chaque année, de huit cent trente millions d'euros de financement associatif, sans aucune obligation de résultat de sortie de l'usage de drogue...

L'Etat se retrouve de fait dans l'incapacité de reconnaitre les limites thérapeutiques d'un modèle qu'il finance depuis tant d'années. La cour des comptes devrait se pencher sur ce sujet et proposer après étude du secteur de nouvelles orientations...

Une question très importante me semble pertinente, combien de toxicomanes ou (pardon) d'usagers de drogues, sortent ils, chaque année, de l'usage de leurs drogues et deviennent abstinents de tout produit modifiant leur comportement ?

L'état finance depuis des années un secteur qui peine à évoluer, à s'interroger sur son modèle thérapeutique et où la réduction des risques est la Doxa officielle. C'est probablement faire preuve d'humanisme que d'exprimer de telles inquiétudes lorsqu'on dirige une association, car que deviendraient tous ces professionnels engagés avec autant d'énergie dans l'accompagnement plutôt que dans la sortie de l'usage ?

Il est compréhensible que la sortie de l'usage et le sous déploiement de certains modèles thérapeutiques, comme le modèle Minnesota (qui est pourtant une référence partout dans le monde), n'ait le droit de citer que dans trois structures en France. En revanche quelle débauche de structures pour quadriller le territoire national !

348 Centres de soin et de prévention en addictologie, 147 Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques, 570 Consultations jeunes consommateurs avec pour crédo la réduction des risques... Quand l'idéologie est à ce point présente au détriment de la sortie de l'usage on peut s'interroger sur l'utilité de continuer à financer des associations sans leur demander au moins une obligation de résultats...

Peut être que si l'Etat optait pour cette contrainte le secteur commencerait à nouveau à penser le soin plutôt que de s'enfermer dans l'idéologie ?

Dans un secteur qui a de fait une délégation de service publique, sans en avoir les obligations en matière de devoir de réserve, pouvons-nous imaginer de recentrer son activité sur le soin et donc la sortie de l'usage plutôt que sur le débat sur la légalisation de certaines drogues ?

Pouvons-nous raisonnablement rééquilibrer l'approche thérapeutique en développant des centres de traitement sur le modèle Minnesota qui est la norme validée scientifiquement partout dans le monde ?

Espoir du Val d'Oise (EDVO) est une structure non médicalisée qui, pour un coût journalier de 30 euros, permet à une cinquantaine d'ex-usagers de se reconstruire pendant un an. Quatre personnes sur 5 restent abstinentes à l'issue de ce parcours de soin. Son modèle thérapeutique est inspiré du modèle Minnesota.

Le coût d'entrée d'un usager dans un des 348 CSAPA est en moyenne de 200 euros, dans une salle de consommation à moindre risque de 75 euros. Ces structures ne communiquent pas sur leurs résultats en matière d'abstinence...

En France, seules trois structures sont inspirées d'une approche Modèle Minnesota, malgré l'efficacité et le coût nettement moins élevé que celui d'une approche médico-sociale... Derrière ce constat c'est la question de la médicalisation du soin qui est clairement posée.

Dans un centre de traitement les médecins désintoxiquent les patients et passent le relais à des thérapeutes eux même anciens patients en rétablissement chez Narcotiques Anonymes ou Alcooliques

Anonymes...La thérapie de groupe est la norme et le groupe est un puissant thérapeute. Les groupes Narcotiques Anonymes et Alcooliques Anonymes sont présents bénévolement dans tout le parcours de soin.

Que chacun retrouve sa place, les soignant dont le métier est de soigner et non pas de débattre sur la légalisation du cannabis ni sur la décriminalisation de l'usage de drogues.

Les usagers qui sont en droit d'avoir accès à une offre de soin équilibrée, où la sortie de l'usage ne soit pas l'exception, plutôt que l'infliction de traitements de substitutions au long cours.

Les politiques, les élus, dans un continuum de solutions concrètes étudiées et validées au niveau international, doivent prendre en compte les demandes des riverains qui n'ont pas à subir d'implantation de structures sans concertation.

Les usagers de drogues ont le droit de se soigner en apprenant à vivre sans drogues !

J'ose espérer que le soin l'emporte sur l'idéologie et que la raison l'emporte sur le militantisme avec une offre de soin plurielle et équilibrée.